Ce mois-ci, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le fondateur et directeur artistique de la maison Aalto International, Tuomas Merikoski. Après avoir oeuvré pour les plus grands comme Givenchy et Louis Vuitton, le créateur a décidé il y a 4 ans de lancer sa propre maison de couture. Qu’est devenue la marque depuis sa création en 2015 ? Tuomas nous parle de ses projets, de sa maison de couture et de l’apogée de l’été à Paris.

Tuomas Merikoski est le fondateur et directeur artistique de la maison Aalto International depuis 2014. Le styliste finlandais, qui dans son travail cherche toujours à transmettre un peu de ses origines – et notamment déjà dans le nom de ses collections, a installé sa maison à Paris. Les silhouettes Aalto sont toujours sophistiquées, quoique non-conformistes. L’évolution de la maison Aalto a été franche et rapide, les collections et les défilés se complexifient au rythme de ses changements d’inspiration. La Finlande est le dénominateur commun à chaque saison bien sûr, entre la présence des Moomins dans la collection Uusi Fantasia (‘Nouvelle fantaisie’ – PE 2017), ou bien l’influence d’autres artistes finlandais tels que Jouko Lehtola dans la première collection Young Heroes (AH 2015).

Coulisses du défilé FINLAAND, AH19 © Dimitri Balan

Le défilé AH19, Finlaand, est lui un peu d’avant garde. Il a eu lieu dans des locaux encore en travaux, dans les Galeries Lafayette des Champs Elysées, où l’on a pu tester le ‘see now, buy now’ (pouvoir acheter un produit juste après le défilé). Tuomas convient du fait que ce soit un événement commercial, mais il ajoute que les designers eux aussi ont besoin et envie de créer une surface d’échange avec leurs clients, d’entrer plus directement en contact avec eux, et le créateur sait que cela passe également par les réseaux sociaux. Pour autant ce concept, il le pense un peu bancal, dans la mesure où il sait l’industrie du textile incapable de tenir le rythme.

Dans ce dernier défilé Finlaand, le designer affirme une nouvelle fois ses origines, mais les silhouettes qu’il crée se mélangent, se métissent : « C’est ce qu’on voulait, dire que la diversité est une richesse, et non une menace. Être finlandais ne veut pas dire qu’on est blanc avec des cheveux blonds, qu’on a tel type de statut dans la société, qu’on a tel type d’éducation, de métier. Parmis nos mannequins, beaucoup sont des femmes de couleur qui ont gardé tout leur respect pour leur héritage culturel ; c’est ce mélange des identités qui est intéressant. » Dans sa collection AH16 déjà, Tuomas avait joué sur les différences culturelles. Cette collection, Hellsinki, portait des accents de culture sami. On y découvrait ainsi des motifs autochtones, un peu noirs et rock, des enfants samis qui s’embrassent… Le sujet était approfondi.

« J’aimerais bien un jour créer un fond d’investissement par exemple, pour collaborer avec les institutions académiques »

Plusieurs projets sont en cours chez Aalto International, et c’est un véritable ADN que Tuomas est en train de créer pour sa marque, une identité forte et reconnaissable. « Le travail est très difficile ici, mais il faut une certaine concurrence, et les portes sont ouvertes, le business est là. » C’est une des raisons pour laquelle le designer finlandais aura choisi Paris et non Helsinki pour implanter son entreprise. Les formations en Finlande sont bonnes, et Tuomas s’accorde à penser qu’il y a un certain potentiel, surtout au niveau des études créatives : « J’aimerais bien un jour créer un fond d’investissement par exemple, pour collaborer avec les institutions académiques, pour vraiment amener des marques finlandaises ici, pour les aider à se développer. Car il y a un vrai potentiel mais il manque un peu de savoir-faire, pas sur le plan créatif mais sur la mise en place des choses. Et de l’argent, il nous manque de l’argent, personne ne nous soutient assez pour pouvoir créer un tel programme. »

Très porté sur les questions environnementales, le créateur s’inspire de la nature et de cet environnement fragile. Kaaos, la prochaine collection de la marque, reprend beaucoup cette idée de chaos de la nature, qui peut être positive. Cette notion pourrait désigner quelque chose qu’on a pas besoin d’analyser, dont quelque chose naît, aussi dans le processus de création qui est parfois violent. « Aux fondations de ce qui se passe en ce moment (le changement climatiques et les catastrophes naturelles), il y a un message, qui est qu’il faut faire gaffe » nous livre Tuomas. Cette inspiration très finlandaise, ce respect de l’environnement, ce lien du pratique à l’esthétique. Ce qui est intéressant en Finlande selon Tuomas, c’est justement ce contraste. Il décrit des gens proches de la nature, avec une bonne éducation, « mais il y a aussi un autre côté, le côté dark, avec parfois de la mélancolie. Ce côté raffiné, mais brut. C’est le véritable intérêt qu’on a par rapport à nos voisins suédois par exemple. » continue Tuomas. Toujours le contraste est présent, entre une Finlande tantôt montrée comme un exemple à suivre, tantôt comme la jeune rebelle des pays nordiques.

Quand on lui demande si l’été est propice à la création, Tuomas répond que oui, en un sens. En effet il y a plus de challenge pour les stylistes, car il leur faut trouver un équilibre entre le dénudé et l’habillé. Le designer de mode pense aussi qu’il y a quelque chose de plus fragile en été, qui se crée et que les professionnels doivent apprendre à maîtriser surtout lorsqu’il s’agit de prêt à porter. En ce qui concerne la couture, la création, les beaux jours annoncent beaucoup de réflexions, car la garde-robe diminue et les choix se font plus rares.

Collection 999, PE19 © Johan Sandberg

La femme Aalto de cet été sera elle aussi tout en contrastes, entre quelque chose d’assez brut mais casual, accessible: Tuomas voit du facile, du fluide, du relax : « En même temps il y a un côté élégant, un peu edgy et fashion. Je pense qu’avec la mode on peut exprimer ce qu’on soutient, ce qui fait notre identité nos valeurs, et je pense qu’il faut pouvoir donner de l’émotion ». Cette émotion, la marque tout en contrastes et en structures la fait souvent passer par ses tenues bariolées de couleurs qui semblent ne pas s’accorder, qui mélangent le masculin et le féminin, et elle propose tant des pièces fluides que très architecturées. Avec les Fashion weeks et l’été, beaucoup de travail attend le créateur qui reste encore discret quant à ses projets.

Mais c’est peut être en se promenant dans Paris que nous verront Tuomas cet été, là où il aime flâner. Car le lieu de prédilection de l’artiste en cette saison est on ne peut plus simple quoique sublime: « En ce moment j’utilise pas mal les quais de Seine en fait, bien que ce soit devenu compliqué avec les voitures parfois. Mais en tant que parisien ça m’a donné un espace, je suis très central je n’ai pas à traverser la ville en voiture, je peux aller faire du sport, je peux aller boire des coups avec de copains, ça c’est vraiment agréable on se rencontre au milieu de Paris, et on peut voir les lieux. C’est ça le mieux à Paris l’été, de mon point de vue très subjectif. »

Aalto International

Texte : Olivier Bachelet