Nous avons l’opportunité d’échanger avec Hanna-Maria Hammari sur ses inspirations, son processus artistique et son expérience à la résidence artistique de Moly-Sabata. 

 

Vous avez commencé votre carrière artistique comme photographe, comment êtes-vous passée de la photographie à la céramique ?

La création d’image est toujours beaucoup au cœur de ma pratique artistique, même si je n’ai pas pratiqué la photographie sérieusement depuis quelque temps. Je pense d’abord en images puis le langage vient dans un second temps. 

Ma pratique repose beaucoup sur l’observation, et en tant que jeune artiste, la photographie a été le médium qui m’a permis de travailler en écoutant mon instinct. En observant ce qui existe déjà, je pouvais voir et faire quelque chose de nouveau. C’était plutôt quelque chose de rudimentaire.  

La transition de la photographie à la sculpture s’est produite de manière très organique quand j’étais étudiante en arts : j’ai réalisé que j’aimais les matériaux, l’artisanat, les choses et les objets qui existent dans l’espace avec nous, bien plus que je n’aimais leurs représentations en deux dimensions. Cela dit, la photographie connaît un regain d’intérêt à mes yeux et il se trouve que je suis très intéressée de retravailler avec la photographie. Donc qui sait, peut être que d’ici une année ou deux, je reprendrai la photographie. 

 

Quelle signification/place ont les matériaux dans votre processus de création ? Comment les choisissez-vous ?

La matérialité et le médium ont en effet un rôle crucial dans la plupart des créations. C’est difficile de donner une réponse claire au « pourquoi je choisis tels matériaux », puisque cela se fait habituellement au cas par cas. Le travail que j’ai produit pendant la résidence artistique consiste en des objets trouvés en métal que j’ai déniché dans des marchés aux puces en France et des céramiques émaillées. Ce sont deux matériaux que j’ai déjà fréquemment utilisés, mais dans ce cas dès le départ il m’était clair que j’allais travailler sur des pièces pour des espaces extérieurs, donc j’avais besoin que les matériaux soient waterproofs et résistants etc. Ensuite, que ce soit les contraintes que l’on s’impose ou les contraintes qu’imposent les circonstances de création, on peut commencer le processus de trouver quelles seront les créations. 

 

Quelle est votre plus grande source d’inspiration ? Comment vos idées naissent ? Comment se met en place le processus de création dès lors ?

L’inspiration n’est pas quelque chose de facile à identifier, c’est un peu partout et tout le temps mais elle se développe principalement dans le studio, elle vient au cours du processus. Je ne travaille pas d’une manière très décontractée, puisque je lis et je regarde beaucoup de choses mais je ne pense pas immédiatement de quelle manière elles vont transparaître dans mes œuvres. C’est plutôt que ces choses vont alimenter mon intuition, qui est une sorte de mémoire profonde qui influence les décisions artistiques au fil du processus. J’aime regarder l’art de toutes les périodes, lire de la poésie, je suis très intéressée par le design vernaculaire, mais plus généralement je suis intéressée par tous types d’objets. J’adore la minutie des stands de marchés aux puces, la juxtaposition de choses qui n’ont aucun rapport entre elles, et qui ont une large collection d’objets typiques des marchés aux puces et cela est définitivement une grande source d’inspiration.

 

Comment s’est passée votre résidence artistique à Moly-Sabata ? Quelles sont vos attentes pour le Sillon Festival où vos œuvres seront exposées ?

Le processus de création pèse lourd dans ma pratique et je développe mes œuvres au travers de beaucoup d’explorations de matériaux (bien-sûr, les objets sont aussi des matériaux), je teste beaucoup de techniques et de choses différentes. Je sais rarement à l’avance ce à quoi vont ressembler mes sculptures et parfois je suis même assez surprise du rendu. À cause de cela, c’est très difficile de me préparer et de m’organiser à l’avance, dans le sens qu’il est ardu de collecter les bons matériaux et de m’assurer que je vais utiliser des techniques bien précises en amont. Cela m’a conduite à travailler en résidence avec un studio vide et un accès illimité à des équipements, outils, ce qui peut être parfois un réel challenge. Je suis certaine que travailler hors de ma zone de confort a été d’une part bénéfique sur plusieurs aspects, d’autre part ça a été comme un trou noir dans lequel s’est engouffrée mon énergie et mes efforts. J’ai essayé d’incorporer des nouvelles contributions liées à cet environnement et j’ai collecté des matériaux excitants et des objets vernaculaires que je n’aurais sûrement pas trouvés si je n’avais pas été en résidence dans une zone semi-rurale française. Je suis certaine que ces matériaux vont faire leur apparition dans mes prochains travaux d’une manière ou d’une autre.

Durant le Festival Sillon je vais montrer pour la première fois ce qu’on pourrait appeler des sortes de sculptures publiques : mes travaux sont exposés dans les ruines d’une ancienne église, où elles sont complètement exposées aux forces de la natures et au public en tout temps. C’était un exercice intéressant et un vrai challenge pour moi, de penser avec une échelle différente et d’essayer de créer des œuvres qui ne soient pas trop fragiles, l’espace ne pouvant être utilisé de la même manière qu’une salle d’exposition protégée. On a tendance à vouloir remplir l’espace plutôt que de créer avec lui. Mes attentes pour ce festival est de voir si les œuvres réussissent à vivre dans ce cadre particulier et bien-sûr, pour le public, j’espère, d’en retirer quelque chose.

 

 L’exposition personnelle de Hanna-Maria Hammari sera exposée dans la galerie Exo Exo à Paris 18.10. – 14.12.2021.