L’exposition “When our eyes touch » est le premier chapitre de A I S T I T / coming to our senses, une série d’expositions sur un an organisée par les Instituts finlandais du Bénélux, de France, d’Allemagne, de Grande-Bretagne et d’Irlande afin d’explorer la complexité de nos perceptions sensorielles et d’interroger leurs manières de nous façonner en tant qu’êtres humains.
Les deux commissaires d’exposition, Satu Herrala et Hans Rosenström nous ont raconté la genèse du projet A I S T I T ainsi que leurs pensées sur le sujet des sens.
Hans Rosenström :
Lorsque les directeurs des quatre Instituts finlandais m’ont proposé d’explorer le monde des sens, j’ai d’abord été intrigué. Ma pratique artistique est centrée autour du sensoriel et des notions de présence.
Cependant, compte tenu du potentiel de la proposition, il m’est apparu clairement que cette commission devait être explorée par une multitude de voix. Avec l’approbation des Instituts, j’ai contacté la commissaire Satu Herrala pour lui demander si elle accepterait de s’associer à moi pour organiser la curation de ce vaste programme.
Satu Herrala :
J’ai été ravie de cette invitation. La pratique de Hans en tant qu’artiste a toujours été en résonance avec la mienne. Il a la capacité de mener ceux qui s’engagent dans son travail vers la pleine conscience de leurs sens. Avec ma formation en danse, mon orientation vers le monde vient d’un état incarné où l’attention que nous portons aux sens est vitale. J’essaye d’évoluer dans le monde en ayant une relation consciente avec la myriade de mondes corporels, et avec l’environnement sensuel dans lequel nous sommes tous tissés.
Hans :
La façon dont les sens nous connectent à notre environnement est fascinante. Ils jouent un rôle important dans la définition de notre relation avec le monde extérieur à notre corps, et dans la manière dont nous comprenons notre position vis-à-vis de celui-ci. Leurs qualités transcendantes permettent un processus par lequel le monde entre en nous – et nous permettent de nous engager avec le monde. Cependant, notre perception est également obscurcie et limitée à notre propre perspective. Il est important de reconnaître que nous partageons nos vies avec une multitude d’autres êtres sensuels.
Satu :
Comme l’a dit l’écologiste, philosophe et magicien David Abram, « Les humains sont à l’écoute des relations. Les yeux, la peau, la langue, les oreilles et les narines – tous sont des portes où notre corps est nourri par l’altérité.” Abram se demande ce qui se passe lorsque nous – les humains – « participons presque exclusivement avec d’autres humains et avec nos propres technologies fabriquées par l’homme », et affirme que nous avons également besoin de réciprocité avec d’autres que nous-mêmes et nos propres créations.
Les avancées technologiques nous ont permis d’élargir nos sens, loin d’où nous nous trouvons physiquement. En 2020, le travail à distance, l’apprentissage et la socialisation sont devenus monnaie courante pour des millions de personnes dans le monde. Il semble très probable que ce soit fait pour durer. Qu’arrive-t-il à la conscience de soi lorsque notre présence est de moins en moins liée à l’emplacement physique de notre corps ? Comment se sentir ancré dans notre corps tout en continuant à tendre la main ? C’est à partir de ce genre de questions que nous avons commencé à planifier le programme d’A I S T I T.
Notre approche du thème des sens a un double aspect : d’une part, nous nous sommes intéressés à la manière dont l’art peut nous faire prendre conscience de nos propres expériences sensorielles du monde de manière subtile et nuancée. D’un autre côté, nous étions impatients de découvrir comment l’art peut nous guider à travers les complexités du domaine sensoriel.
Hans :
Nos sens sont normalement divisés en cinq catégories distinctes : la vue, l’odorat, le goût, le toucher et l’ouïe. Nous voulions nous éloigner des systèmes sensoriels segmentés et penser plutôt aux sens d’une manière plus holistique. Comment les organes sensoriels se complètent-ils pour constituer notre vécu du monde ? Il est devenu primordial pour nous d’aborder le domaine sensoriel à travers les notions de présence, d’interdépendance et d’empathie.
Lisez aussi les présentations de Satu Herrala et Hans Rosenström.
When our eyes touch prochainement à l’Institut finlandais.