Alexandra Marschan-Claude a rejoint l’équipe de l’Institut finlandais dans le cadre de la création du Café Maa (la terre en finnois), le nouveau café de l’Institut finlandais qui a ouvert ses portes le 26 avril 2022. Finlandaise, d’origine slave et installée à Paris depuis trente ans, Alexandra revisite les recettes traditionnelles nordiques, riche de ses rencontres et de ses voyages.
Situé en plein cœur de Paris, le Café Maa est un lieu dans l’air du temps, propice aux rencontres et à la découverte des gastronomies finlandaises et nordiques. Le nom Maa signifie terre en finnois. Il symbolise l’importance de la nature ainsi que notre relation de proximité et d’humilité à la terre. La cuisine d’Alexandra Marshan-Claude incarne cette philosophie jusque dans l’élaboration des recettes et le choix de produits locaux et de saison.
Nous avons pris un moment pour échanger avec Alexandra au sujet de son parcours, ses sources d’inspiration et ses motivations pour le nouveau café.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Vous avez notamment débuté votre carrière dans la parfumerie, comment êtes-vous passée de ce domaine à celui de la gastronomie ?
Je suis finlandaise et j’ai commencé par faire mes études en Finlande dans une école de commerce où mes matières principales étaient le marketing et l’anglais. Je suis arrivée en France en 1991 pour travailler pour les parfums Van Cleef et Arpels en tant que responsable export pour neuf pays, dont l’Autriche, les Pays-Bas, la Belgique, l’Islande et les pays Nordiques. J’ai travaillé dans les parfums pendant dix ans et pendant cette période là j’ai eu mes deux enfants.
Après ces dix ans, j’ai arrêté de travailler pour m’occuper de ma famille. Mais après quelques années, j’ai ressenti le besoin de retourner au travail en faisant quelque chose pour moi. Je me suis tournée vers mes racines, puisque quand j’étais petite, ma famille originaire de St Pétersbourg avait une usine de charcuterie en Finlande. Ma mère était professeur de cuisine, mon père développait des sociétés dans l’agroalimentaire, et quand je l’ai rencontré mon mari avait une société de catering et aujourd’hui il travaille pour un groupe de restauration. La cuisine et la restauration sont donc une affaire de famille.
En 2010, j’ai décidé de faire une formation à Paris et j’ai été reçue à l’école Ferrandi. C’était une année merveilleuse, nous étions douze personnes venant du monde entier : un médecin brésilien avec qui je suis toujours en contact qui est maintenant un des meilleurs chefs du Brésil, une jeune colombienne, une haïtienne, un ex-pilote de l’armée américaine… Nous formions vraiment un groupe très mélangé et cela a enrichi et embelli mon expérience.
Une fois diplômée d’un CAP, j’ai travaillé pour différents chefs dont Thierry Marx et à la Grande Cascade, j’ai également travaillé pour une chocolaterie, et très rapidement après j’ai commencé à travailler pour un club de sport qui s’appelle le Standard Athletic Club où j’ai tenu la cuisine pendant huit ans pour les membres et leurs événements. C’était une très belle expérience, j’ai rapidement géré de grands événements et en parallèle j’ai monté une structure de traiteur chef à domicile.
J’ai été en contact avec l’Ambassade de Finlande en 2017, suite à un grand séminaire à Rouen à l’occasion du centenaire de l’indépendance de la Finlande. Grâce à ce contact, j’ai commencé à travailler avec des sociétés finlandaises pour lesquelles j’ai fait beaucoup de catering et d’événements, ainsi que des ambassades dont celles de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède. Puis, il y a environ deux ans, j’ai été nommée cheffe à l’Ambassade de Finlande à Paris.
J’ai rencontré la directrice de l’Institut finlandais, Johanna Råman, pour la première fois en avril 2021 lorsqu’elle m’a contacté pour discuter du futur café de l’Institut. À la fin d’une discussion de deux heures, je lui ai dit “je pense que je suis en train de décrire mon poste de rêve”. Pouvoir travailler au sein d’une jolie équipe et faire de la cuisine finlandaise à Paris… Je pense que ça ne peut pas être beaucoup mieux.
Je pense que c’est important de prendre la décision de faire des choses qu’on a envie de faire quand c’est financièrement possible. Petit à petit j’ai avancé vers mon but d’avoir un restaurant ou un café et là je vais l’avoir à l’Institut finlandais avec carte blanche pour le menu et une jolie équipe. Je ne peux pas exprimer à quel point je suis heureuse.
Votre parcours est profondément interculturel. Comment ces différentes cultures s’expriment-elles dans votre cuisine ?
Elles s’expriment dans ma cuisine presque tous les jours. J’adore mélanger des saveurs et travailler avec des produits de saison. Je suis influencée par ma grand-mère russe, avec des plats comme les blinis, les pelmenis, les piroshkis ou le borsch. Tout ça fait partie de ma cuisine de tous les jours et j’aime bien décliner ça avec des produits français. J’ai appris à cuisiner au téléphone avec ma mère et ma belle-mère qui étaient de très bonnes cuisinières.
Deux mamans qui m’ont appris à être curieuse avec le magnifique choix d’ingrédients qu’on a en France. C’est exceptionnel : on a des quartiers asiatiques, indiens, baltes, slaves… J’ai notamment une très bonne amie iranienne qui m’a fait découvrir toutes les épiceries iraniennes dans le 15ème arrondissement. La cuisine finlandaise ce sont mes racines, mais ma grand-mère du côté de ma mère venait d’une famille autrichienne et danoise donc beaucoup de plats et de pâtisseries de ces cultures ont aussi fait partie de mon enfance. J’aime mélanger ces différentes influences dans ma cuisine.
Je suis issue de la minorité suédophone qui a ses propres traditions culinaires, beaucoup plus proches d’une cuisine suédoise. J’aime bien mélanger des recettes finlandaises avec des épices françaises. Par exemple, faire des choux farcis avec des feuilles de vigne au lieu des choux, c’est tout de suite un plat qui peut venir de Roumanie. En France, on a véritablement la possibilité de faire des mélanges incroyables.
Si je devais décrire ma cuisine, je dirais qu’il y a toujours beaucoup de légumes, d’herbes, et d’épices. J’essaye de rester dans la tradition, mais toujours avec un petit twist qui m’appartient. J’aime beaucoup les couleurs, faire des assiettes colorées.
Avez-vous une recette préférée, à cuisiner ou à déguster ?
Il y a un plat que j’adore, qui est un des premiers plats que ma belle-mère m’a appris quand je suis arrivée en France : une lotte au safran avec une sauce tomate et des pâtes fraîches. C’est quelque chose que je cuisine quand je veux vraiment faire plaisir à quelqu’un, la recette est assez longue et il faut de bons ingrédients. À part ça, j’adore faire mariner des harengs, c’est quelque chose que je fais souvent. Pour le dessert, j’adore les pavlovas : une bonne meringue avec une chantilly et plein de fruits frais, c’est mon dessert préféré.
Comment imaginez-vous de nouvelles recettes, quelles sont vos sources d’inspiration ? Comment choisissez-vous vos ingrédients ?
J’ai beaucoup de mal à suivre une recette. Quand je vais au marché, je me laisse inspirer par les produits que je trouve, je les associe aux ingrédients que j’ai déjà à la maison. Quand je fais un menu, c’est très important qu’il y ait à manger pour tout le monde : quelque chose sans gluten, un plat intéressant pour les végétariens, un plat avec du poisson parce que j’adore ça… Il faut des bonnes épices finlandaises telles que les baies de genièvre, l’aneth ou la ciboulette. Aussi bien dans la pâtisserie quand dans les plats, on utilise beaucoup de produits laitiers en Finlande : fromage blanc, yaourt, skyr… Les sauces sont le plus souvent à base de crème. L’huile d’olive y est plutôt un phénomène de mode, nous utilisons beaucoup plus l’huile de colza que je trouve très goûteuse et avec laquelle j’aime cuisiner.
Vous rejoignez l’équipe de l’Institut finlandais dans le cadre de la création du nouveau café. Que signifie ce nouveau projet pour vous ? Quelle est vôtre vision pour le nouveau café, de quoi avez-vous hâte ?
J’ai envie de faire connaître la cuisine finlandaise à Paris. On a vraiment l’endroit idéal pour embellir la cuisine finlandaise, c’est un lieu pur avec une très jolie âme. Je pense que mon sourire et ma cuisine vont y trouver leur place. Le partage est très important pour moi, donc si quelqu’un dans l’équipe veut cuisiner avec moi, je l’accueillerai à bras ouvert pour partager mes recettes et mon savoir-faire, c’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur.
Texte par Justine Sarton.