Kati Peltola est une artiste verrier finlandaise inspirée par le potentiel illimité du verre en tant que matériau créatif. Ses bagues en verre font partie de l’exposition Jardin imaginaire présentée à l’Institut finlandais jusqu’au 30 mars 2024, en collaboration avec le collectif de design UU Market. Lors de sa résidence à la Cité des Arts à Paris, nous avons invité Kati à discuter de son travail créatif avec nous. 

 

Pouvez-vous vous présenter et nous dire ce que vous faites en quelques mots ?

Je m’appelle Kati Peltola et je suis artiste verrier. Je fabrique des pièces en verre avec un chalumeau, c’est une technique qui s’apparente à de la soudure de verre. J’utilise des bâtons de verre que je chauffe localement à la flamme. C’est comme du soufflage de verre, mais à une échelle bien plus petite. Je fais principalement des bijoux et des petits objets avec cette technique. Mon travail joue souvent avec l’esthétique des objets utilitaires tout en ayant un côté irrégulier. Je travaille également à mi-temps en tant que graphiste pour le musée Amos Rex à Helsinki.

 

Le titre de l’exposition est Jardin imaginaire. Quel rôle joue l’imagination dans votre processus créatif ?

L’imagination entre en jeu quand je m’assois face à la flamme. En général, je ne planifie pas ce que je fais. Les pièces sont exclusivement le fruit du processus de création. Dans l’artisanat, le phase de fabrication est aussi importante que le résultat final. Et parce que je m’entraîne encore, mes créations sont souvent entièrement le produit de mon imagination.

 

Vos créations ont des formes très organiques, quelques-unes d’elles ressemblent même à de l’eau ou à de la glace. Comment la nature vous inspire-t-elle dans votre travail ? 

Je veux que mes créations soient organiques et naturelles, pour que l’on puisse voir qu’elles ont été créées de mes propres mains. Dans certaines de mes créations, j’essaie également de répliquer des fleurs, par exemple. Je m’intéresse à la représentation littérale de la nature. Par exemple, je suis fascinée par la collection Ware d’art verrier du père et du fils tchèques Leopold (1822-1895) et Rudolf (1857-1939) Blaschka pour l’Université de Harvard, qui contient un grand nombre de fleurs de verre réalistes. Cependant, je ne trouve ou sens pas que la nature inspire mon travail directement. Bien sûr, être et marcher dans la nature permet de s’ancrer, ce qui est probablement un sentiment plutôt finlandais.

 

Pouvez-vous nous parler de votre relation avec le verre en tant que matériau principal ?

Le verre m’a toujours fasciné. Je me suis familiarisée avec ce matériau lorsque j’étudiais le design contemporain à l’université Aalto. À l’époque, je travaillais également au magasin phare de Iittala, où j’ai beaucoup appris sur le verre en tant que matériau. Il est très commun que les gens soient fascinés par le verre, par exemple par des billes en verre. Quand j’étais enfant, j’avais un de ces presse-papiers avec un monde en verre à l’intérieur. Je pouvais le fixer pendant des heures, c’était un objet avec lequel on aurait pu jouer indéfiniment.

Pour moi, c’est le matériau qui prime. J’ai une formation de designer et j’aborde donc les matériaux un peu différemment des artisans. L’artisanat met l’accent sur les connaissances techniques, le perfectionnement des compétences techniques et la recherche de la perfection. Mon travail se situe quelque part entre l’artisanat et le design. Je m’inspire des artisans, mais le plus important dans mon travail artistique est d’expérimenter et de voir le potentiel du matériau avec lequel je travaille. Je ne cherche pas la perfection.

 

Jardin imaginaire présente des bagues en verre que vous avez créées. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces bagues ?

Mes bagues sont de petites œuvres d’art que l’on peut emporter avec soi. Elles sont destinées aux moments dont l’on veut se souvenir. Chaque instant est fugace, éphémère. Cette bague aussi peut disparaître ou se casser. C’est peut-être le côté poétique de ces bagues.

 

Avant votre résidence à la Cité des Arts, vous avez déjà travaillé à Paris, notamment à Montmartre en tant qu’élève d’Ulysse Sauvage. Vous avez également effectué une résidence à New York. Quelle est l’influence de l’environnement sur votre travail créatif ?  

Mes yeux s’ouvrent d’une manière complètement différente lorsqu’il y a plus de choses à voir. Partout où je vais ici, je m’arrête toujours si je vois des bagues ou des bijoux en verre. Il est très important de voir comment les choses se passent ailleurs, d’autant plus qu’il y a encore peu de gens dans mon domaine en Finlande. C’est donc un peu une nécessité d’aller ailleurs pour apprendre. La possibilité de travailler avec des collègues m’apporte beaucoup, le genre de méta-connaissance que l’on ne peut pas apprendre dans les livres. Il suffit d’apprendre en faisant ou en voyant quelqu’un d’autre faire.

 

Vous semblez travailler sur plusieurs projets en même temps. Comment trouvez-vous l’équilibre entre le travail créatif et vos autres activités ? 

En ce moment, l’équilibre fonctionne plutôt bien parce que j’ai cet autre travail. Cela enlève une certaine pression de mon travail créatif. Certes, j’ai parfois l’impression de ne pas avoir assez de temps pour la créativité,  qui implique en grande partie d’exister et de ne rien faire. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ne rien faire pour les artistes.

 

Vous faites partie du collectif UU Market. C’est comment, faire partie de ce groupe et exposer à l’Institut finlandais ? 

C’est vraiment incroyable d’avoir l’occasion d’être là avec ces autres artistes. C’est un grand honneur pour moi. J’ai hâte de voir comment les œuvres de différents artistes communiquent entre elles. Je dois également remercier Hannakaisa Pekkala. Elle est absolument merveilleuse et pleine d’idées. Elle sait choisir des artistes qui ne représentent pas l’ancienne fabrication traditionnelle finlandaise – je pense que tous les autres artistes de l’exposition seraient d’accord. Le design finlandais est en pleine transition et je pense que cette nouvelle génération de design plaira à Paris. J’ai le sentiment que les gens seront attirés par ce genre de design fou.

 

Quelles sont, selon vous, les raisons de la transformation du design finlandais ?

Les temps ont changé. Il y avait autrefois des designers en interne à qui on donnait la possibilité d’expérimenter et d’essayer des choses différentes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je pense que ce changement est en quelque sorte le reflet du fameux « sisu » finlandais des designers, puisqu’ils se réapproprient désormais le rôle de fabricant et se tournent directement vers l’étranger. Ils font ce qu’ils veulent et s’expriment eux-mêmes, sans commande. Et je pense que c’est quelque chose qui intéresse les gens.

 

Et ensuite ? Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets et de vos rêves ? 

J’espère avoir une vie quotidienne stable cette année, ce qui signifie aussi avoir plus de temps pour la créativité. Pouvoir fabriquer des choses à un rythme lent et expérimenter librement. À l’avenir, j’aimerais agrandir ma collection de bijoux. Je suis également très intéressée par différents types de collaboration avec d’autres artistes et designers.

Texte par Saara Lehtonen